Le Canada, un paria dans l’univers du changement climatique

By , 26 September 2014 19:20

[Référence: “Les Nations Unies et le Canada: Ce que le Canada a apporté à l’ONU et ce qu’il devrait faire aujourd’hui. Édition 2014”, édité par John E. Trent, Mouvement fédéraliste mondial Canada: Ottawa. En ligne: NationsUniesEtLeCanada.org, p. 20-21]

Christian Holz

SOMMAIRE
L’élaboration d’une politique international sur le changement climatique doit aboutir à un nouvel accord en 2015. Celui-ci doit être extrêmement ambitieux et susciter une vaste coopération internationale, fondée sur l’équité, la confiance, l’imputabilité et la transparence. Bien qu’il s’agisse là de valeurs canadiennes traditionnelles, le Canada n’est pas en mesure de nos jours de les promouvoir de façon efficace en raison de son statut de paria dans le dialogue international sur le climat, notamment à cause de nombreuses ruptures d’engagements. Pour regagner la confiance des pays du monde et redevenir un partenaire international respecté, le Canada doit commencer par mettre de l’ordre dans sa politique nationale sur le climat et assumer pleinement ses responsabilités et mettre sa capacité d’action au service d’une vision ambitieuse et urgente au sein des grandes coopérations internationales sur le changement climatique.

La biennale actuelle (2014-2015) offre des occasions exceptionnelles pour faire avancer la coopération internationale face à la crise du changement climatique. Le Secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon a invité les leaders du monde à New York en septembre 2014 pour participer à un Sommet de l’ONU sur climat. Les gouvernements sont également convenus de parvenir à un nouvel accord de longue durée sur le climat lors de la conférence de 2015 à Paris sur La Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC).

Le changement climatique est évidemment un problème à l’échelle du monde puisque les effets de la pollution par les gaz à effet de serre affectent les populations partout sur la planète, pas simplement là où les émissions se produisent. Dès lors, le changement climatique ne peut être jugulé de façon efficace que par une coopération internationale, ce qui souligne l’importance du rôle joué par l’ONU. Nonobstant les arguments spécieux du gouvernement fédéral, le Canada, parmi d’autres pays, est un des grands contributeurs à la pollution climatique mondiale. Il appartient aux dix principaux pollueurs climatiques, quelles que soient la façon de classifier les émissions de gaz à effet de serre – total par pays, per capita ou cumulativement.

Dès lors, le Canada doit fait partie de la solution et les Canadiens en sont bien conscients : un sondage établi par l’Université de Montréal et Canada2020 a montré qu’une vaste majorité voulait que le gouvernement fédéral prenne le défi climatique plus sérieusement en considération, notamment en s’associant aux traités internationaux. 76% des Canadiens – un chiffre impressionnant – soutiennent la signature par le Canada d’un accord international sur le climat même si la Chine et les États-Unis n’en faisaient pas encore partie.

Cependant, le Canada souffre d’une perception très négative dans l’univers des discussions sur le climat. L’absence de confiance envers le Canada découle d’une longue histoire d’engagements non tenus ou reniés, à commencer par l’échec du Canada face à ses engagements au titre de la réduction des gaz à effet de serre dans le cadre du Protocole de Kyoto de 1997, suivi de son retrait du Protocole – le seul pays au monde à l’avoir fait. En outre, il est pratiquement hors de tout doute que les engagements subséquents plus faibles adoptés en 2009 à Copenhague ne seront pas respectés à moins d’un changement total d’orientation de la part du gouvernement fédéral canadien. En outre, après une courte période, de 2010 à 2012 pendant laquelle le Canada a apporté une contribution honorable (400 millions de $ par an) à un fonds global pour aider les pays les plus pauvres à réduire leurs propres apports au changement climatique et à faire face à ses impacts, les contributions financières du Canada sont tombées à des niveaux très faibles. C’est particulièrement dommageable étant donné que le financement sur 2010-2013 avait pour objet de créer un climat de confiance dans la perspective de la ronde subséquente de négociations sur le climat, l’objectif étant de susciter une augmentation plutôt que l’interruption de cet appui après 2012. Si l’on ajoute à cela les stratégies et tactiques souvent retardatrices des délégations canadiennes dans le quotidien des négociations sur le climat à l’ONU, ces échecs ont conduit de nombreux gouvernements et organisations de la société civile à considérer les Canada comme un paria cynique au sein du dialogue onusien sur le climat.

Partant de ce constat, la contribution la plus importante que pourrait apporter le gouvernement canadien au succès des élaborations de politique en matière de climat à l’ONU serait de faire preuve de bonne foi en travaillant à restaurer la confiance dans notre pays. Pour commencer, il faut que nous fassions le ménage chez nous en faisant les efforts nécessaires pour atteindre les cibles de réduction des gaz à effet de serre endossées à Copenhague. Par exemple, le Canada devrait fournir un appui public important au secteur des énergies renouvelables et des efficacités énergétiques, élaborer et mettre en œuvre des politiques et mesures visant à réduire de façon massive les émissions provenant des sources principales au Canada: le transport, les hydrocarbures et le bâtiment. Il faudrait aussi amorcer un dialogue honnête et intègre sur la transformation inéluctable à réaliser pour s’écarter éventuellement des industries extractives du pétrole, du charbon et du gaz.

Outre le travail à réaliser à l’intérieur du pays sur le changement climatique, le Canada doit regagner la confiance de ses partenaires internationaux. Le point de départ le plus évident consisterait à rétablir le financement de la lutte contre le changement climatique à ses niveaux de 2010-2012. Mais les discussions internationales actuelles portent également sur les réductions des émissions futures de chaque pays. Le Canada devrait se donner des cibles profondes et ambitieuses, qui acceptent plutôt que de nier le rôle du Canada en tant que grand contributeur au changement climatique. Cette responsabilité, compte tenu du haut niveau de capacité que donne à notre pays notre richesse, justifie de faire plus que les autres et d’agir avec urgence et vigueur.

Le nouvel accord qui doit être réalisé en 2015 ne peut porter fruit à long terme que s’il habilite et encourage le plus haut degré possible de coopération internationale sur le changement climatique, ce qui exige que l’accord soit fondé sur la confiance, l’équité, la transparence et l’imputabilité. Ces caractéristiques reflètent les valeurs canadiennes traditionnelles et donnent à penser que le Canada pourrait jouer un rôle important dans la réalisation d’un tel accord. Mais à l’heure actuelle, le Canada n’est pas un ambassadeur crédible de telles valeurs dans la politique internationale sur la changement climatique. En prenant une part vraiment équilibrée – fondée sur sa responsabilité et sa capacité à agir –et en faisant la preuve qu’il est véritablement décidé à respecter ses engagements et à aider les pays les plus pauvres à faire le plus qu’ils peuvent (par exemple en fournissant des fonds et des technologies vertes), le Canada pourrait rétablir la confiance gravement ébranlée sur la scène internationale et favoriser la conclusion d’un accord durable, équitable et ambitieux, indispensable pour éviter un changement climatique désastreux.

Lectures additionnelles:
Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC)): Cinquième Rapport d’Evaluation (AR5) en anglais : http://www.ipcc.ch/report/ar5
World Resource Institute: Climate Analysis Indicator Tool (CAIT) 2.0 Climate Data Explorer. http://cait2.wri.org/
Canadian Coalition for Climate Change and Development (C4D): Protecting Our Common Future: An Assessment of Canada’s Fast- Start Climate Financing. http://c4d.ca/publications/policy- briefs/protecting-our-common-future-report
UN Sustainable Development Solutions Network (SDSN): Deep Decarbonization Pathways. http://deepdecarbonization.org (surtout le chapitre consacré au Canada)

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